atReal : Tu disais que tu as commencé ta carrière en étant ingénieur forestier, et qu’il y a trente ans tu as eu un déclic. Par quoi a-t-il été provoqué, et qu’a-t-il entraîné dans la suite de ton parcours ?

Patrick CLAUDEZ : J’ai eu deux déclics. Le premier fut quand j’étais ingénieur forestier et que je me suis rendu compte que la technique m’ennuyait. Et j’ai fait une rencontre : Henry Ollagnon, qui à mes yeux est un génie, et ce n’est pas un mot que j’utilise facilement. Il a élaboré une démarche pour faire fonctionner de façon optimale les collectifs, notamment des collectifs où il y a des tensions, un niveau de conflit phénoménal. Il a par exemple travaillé sur Tchernobyl, sur la réintroduction de l’ours dans les Pyrénées, la réintroduction des loups, sur les problèmes de nappes phréatiques d’Alsace ; et sur des territoires comme cela il y a des tensions qui peuvent aller jusqu’à des menaces de mort. Donc son idée est de faire émerger du commun dans des endroits qui sont en tension. Il a ainsi imaginé des tas de choses pour créer du commun dans un collectif. Il a collaboré à un ouvrage très riche qui s’intitule “La facilitation stratégique”.
J’ai beaucoup apprécié sa pensée, des principes comme susciter le désir plutôt que la contrainte : cela peut sembler bateau, mais c’est simplement une logique complètement différente. Cela s’appelle “l’approche patrimoniale”, qui m’a fasciné, donc je m’y suis formé, m’éloignant ainsi de mon domaine naturel d’ingénieur forestier pour aller sur le champ de la facilitation collective. Et d’ailleurs encore aujourd’hui j’enseigne la facilitation à des étudiants d’AgroParisTech, une école d’ingénieurs, et j’aime beaucoup cela.

Le second déclic a été lorsque je me suis retrouvé dans une situation professionnelle très toxique, et que j’ai senti que mon enjeu était “soit je sors de là, soit j’y laisse ma santé”. Je suis donc sorti de cet environnement. Puis à un moment j’ai rencontré le coaching, et même si je n’ai pas tout compris, je me suis dit “c’est pour moi”. Cela a donc été un deuxième déclic, c’était comme si je voyais de nouvelles dimensions : les dimensions des relations, du désir, de la confiance.

A : Quel nom donnes-tu à ton activité professionnelle ?

PC : Je fais de la formation, de l’accompagnement, du coaching individuel et collectif. Donc je dis souvent que je suis coach conférencier, car ce sont deux pôles très importants pour moi. Coach pour accompagner des personnes et des équipes, conférencier pour toucher un maximum de gens par rapport à des convictions qui m’animent.
Pour moi il est très important de sensibiliser suffisamment de monde car l’époque est à haut risque, et si l’on ne diffuse pas certaines idées, d’autres peuvent l’emporter et il n’y a pas que des idées positives qui se diffusent en ce moment.

A : Sur ton profil Linkedin tu affiches que le coaching individuel est plutôt à destination des managers et dirigeants, pourquoi ?

PC : Cela s’explique par le fait que ce sont plutôt les personnes qui viennent vers moi, car ce sont celles qui ont les moyens, et souvent également celles qui pensent que le coaching leur est réservé. Ce n’est pas une volonté de ma part de le fermer aux autres, au contraire d’ailleurs. Pour moi ce qui est important c’est que les gens aient envie de se remettre en question et de créer quelque chose.
Le champ naturel du coaching c’est plutôt des managers et des dirigeants, mais j’ai un programme de coaching collectif, de personnes tous postes confondus que j’accompagne sur neuf mois.

A : Tu coaches tous les secteurs d’activité ?

PC : Oui. J’ai été marqué au tout début de ma formation au coaching par une personne qui avait permis à Yannick Noah de gagner son tournoi à Roland-Garros, et elle disait “moi je n’ai jamais tapé dans une raquette”. Tout ça pour dire que tu n’as pas besoin d’avoir l’expertise technique pour accompagner des personnes ou des équipes, plutôt une expertise en termes de transformation et de changement. Je ne coache pas sur les aspects techniques, mais sur l’aspect collectif et humain.

A : Tu as articulé notre journée de coaching autour d’une question, est-ce systématiquement la même pour les coaching d’équipes, ou est-ce préparé en amont avec la direction, managers,… ?

PC : Ce n’est pas toujours la même question car c’est en discutant en amont du coaching avec les organisateurs que je sens ce qui peut avoir du sens, ce qui semble être le bon angle d’attaque pour la journée.

A : Lorsque tu fais une intervention unique, en “one shot”, envisages-tu l’après ? Et si oui, comment ? Apprends-tu par exemple au groupe à pérenniser l’apprentissage ?

PC : Cela dépend. Lorsque je sens, après un coaching, que cela pourrait avoir de la valeur et de l’intérêt d’imaginer un processus dans la durée, je propose que de temps en temps on revienne ensemble sur certains sujets. Pour que les compétences ainsi que la mise en œuvre s’ancrent dans l’entreprise. Je le propose éventuellement et c’est ensuite à l’entreprise de voir comment elle se positionne.

Merci à Patrick CLAUDEZ pour son travail, sa transmission et sa disponibilité.

L’équipe atReal